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  • Eden Makaya

Trafic d'œuvres d'art khmères

Dernière mise à jour : 24 avr.

  • Le pillage de statues millénaire

Catégorie/Archéologie


  • La sculpture Khmère

​L'art de la sculpture ancienne Khmère est l'un des domaines les plus raffinés de toute l'Asie, qui s’est développé plusieurs siècles avant la fondation du royaume d'Angkor. Influencé par la civilisation indienne, les premières œuvres, gravures et statuettes retrouvées dans le royaume de Funan, datent du VIe siècle et marquent l'époque pré-angkorienne, qui est l'un des héritages artistiques les plus remarquables de cette très longue période. La statuaire chez les Khmers était fort remarquable et se révéla d'une très grande maîtrise technique et d'un savoir faire, portant les qualités du décor architectural à sa perfection, dont la sculpture omniprésente dans les temples montre une riche ornementation. Des idoles exécutées en ronde-bosse, aux murs couverts de somptueuses Devatas et autres représentations décrivant des scènes de la vie quotidienne, et des grandes batailles. Les artistes sculpteurs ont fait naître à travers leurs talents toute la magnificence d'un art qui a traversé les siècles et dont le reflet, dans cette culture toujours présente, témoigne de la grandeur de la civilisation khmère.


  • À la poursuite des pilleurs de temples

Ce titre très évocateur est le sujet d'un excellent documentaire de Wolfgang Luck, dans lequel le réalisateur même enquête sur le trafic international d'œuvres d'art, partant sur les traces de ces trafiquants d'antiquités khmères. Dans les années 70, profitant de la guerre civile cambodgienne, de nombreux temples ont perdu de leur beauté originelle, tant ils ont été dévastés par le pillage de leurs chefs-d'œuvre. Des statues entières ont été arrachées, des têtes sciées, des bustes découpés... Destinées à de riches collectionneurs du monde entier, mais également pour le compte de certains musées. - Apsaras Angkor Vat

  • Documentaire de Wolfgang Luck.

À l'époque, André Malraux avait soutenu aux juges que les statues qu'il venait de piller dans le temple de Banteay Srei ne faisaient pas l'objet d'un vol, puisqu'elles n'appartenaient à personne. Dans la même situation hypothétique un siècle plus tard, Sotheby's et Christie's répliquaient sur le même refrain.


  • Sotheby's et Christie's dans le viseur

En 2011, Sotheby’s faisait face à des accusations, dans le cadre d’une bataille juridique concernant l’art khmer cambodgien. En 1972, la statue d'un guerrier de grès datant du Xe siècle, le Duryodhana bondissant, qui évoque un épisode du Mahâbhârata, était dérobée sur le site de Koh Ker, pour le compte d'un marchand d'art britannique de Bangkok. Vendue une première fois en 1975 à Londres, puis mise aux enchères en 2011 chez Sotheby's à New York, pour une estimation de près de 3 millions de dollars. ​Après un long combat en justice, à la demande des autorités cambodgiennes et de l'UNESCO, la statue sera interdite à la vente et mise sous scellé. Elle sera restituée au gouvernement cambodgien en 2013. Dans la foulée, Christie's rendait une sculpture de Balarama dans le cadre d'un accord avec le gouvernement cambodgien.


  • Les musées

Puis ce fut le MET de New York (le Metropolitan Museum ) qui restituait deux statues de Pandavas, provenant du même site et exposées depuis 20 ans dans son aile asiatique. En 2014, après des entretiens avec les représentants du gouvernement cambodgien,

le musée Norton Simon de Pasadena en Californie restituait à son tour au Cambodge, une statue du guerrier Bhima datant du Xe siècle achetée en 1976, qui est le jumeau du Duryodhana bondissant déjà rendu par le MET. Cependant, le directeur avait déclaré que le musée avait acquis officiellement la statue auprès d'un marchand d'art réputé de New York, mais avait reconnu ne pas savoir la provenance de celle-ci avant son achat. Après la restitution des deux statues volées sur le site de Koh Ker, le Cambodge a fait le tour des autres musées pour examiner toutes les antiquités khmères en leur possession acquises à partir de 1970. C'est ainsi que des centaines d'antiquités cambodgiennes se trouvent dans les musées américains et étrangers, dont les collections ont été acquises auprès de collectionneurs individuels, de galeries, d'antiquaires et de marchands d'art sans aucune trace écrite et dans l'impossibilité de remonter l'historique.


  • Les collectionneurs

Douglas Latchford était l'un des plus grands collectionneurs au monde d'art khmer, arrêté en 2019 aux États-Unis pour fraude et contrebande ayant participé à l'un des plus gros trafics d'art dans les années 1970. Décédé avant son procès prévu en 2020, sa famille a consenti à restituer les œuvres de sa collection au Cambodge. D’importants vestiges historiques du patrimoine cambodgien ont ainsi transité sur le marché de l’art par l’intermédiaire de Latchford. Après enquête, le MET possédait 12 antiquités khmères provenant de sa collection privée. 


Site archéologique de Koh Ker.

  • Précision Koh Ker est un complexe de sanctuaires situé à environ 120 kilomètres au nord-est de Siem Reap et du site d'Angkor, dont l'accès est limité par la jungle environnante et les nombreuses mines encore présentes sur le terrain. Depuis plusieurs années les autorités cambodgienne menaient l'enquête auprès des musées internationaux, leur demandant de restituer les œuvres d'art pillées sur son territoire entre 1970 et 2003. Après de nombreuses batailles juridiques, 45 œuvres des collections asiatiques du MET étaient visées et 150 autres suspectées. De son côté, le MET soutenait avoir acquis ces statues légalement et fait ses propres recherches sur la provenance de ces objets avant même la requête du Cambodge. Pour une maison aussi prestigieuse que celle du MET, il est à se demander si le syndrome de Pinocchio ne serait pas contagieux ! Et peut-être qu'un rappel à la loi leur serait bénéfique pour ne plus se faire taper sur les doigts. En vertu de la loi américaine, toute personne qui achète ou possède sciemment une antiquité pillée peut être inculpée au pénal et l'objet peut être saisi par le gouvernement et restitué à son propriétaire légitime.


  • Plainte du gouvernement : Cette action est intentée par les États-Unis d'Amérique visant à la confiscation de tous droits, titres et intérêts sur une statue en grès, datant des environs du 10e siècle après J.-C., qui a été illégalement retirée du temple Prasat Chen sur le site historique et archéologique de Koh Ker.


Ce qui n'a pas empêché les musées, les galeries, les collectionneurs et les antiquaires d'acheter des objets suspects, dont aucune trace écrite ne permet de retracer leur historique. Puis il y a eu des révélations faites par un ancien Khmer rouge qui avait reconnu avoir pillé plusieurs temples entre 1970 et 2000, lorsque l'instabilité politique régnait au Cambodge, dérobant des dizaines d'objets listés, qui avait ensuite supervisé plusieurs équipes participant au pillage organisé du patrimoine de son pays. De nombreux objets transitaient par l'intermédiaire de courtiers qui les vendaient à des contacts en Thaïlande, dont Latchford.


  • Prasat Chen




  • Restitution des biens culturels du Cambodge

Ces statues rapatriées au Cambodge, sont désormais exposées au Musée national de Phnom Penh et font partie des nombreuses œuvres d'art dérobées sur le site de Koh Ker, qui ont été découpées en plusieurs morceaux puis sorties clandestinement du pays au début des années 1970.



Duryodhana bondissant et Bhima - rapatriés en 2013 et 2014 - Deux serviteurs agenouillés - Période d'Angkor - 10e siècle, Koh Ker, restitués en mai 2013 - Torse de Rama du Xe siècle à Prasat Chen, Koh Ker, restitué en 2016 - Avalokiteśvara restitué en 2023.


En 2003, les États-Unis et le Cambodge ont conclu un accord restreignant l’importation de certaines antiquités khmères aux États-Unis. Depuis lors, le gouvernement américain s'est associé au ministère cambodgien de la Culture et des Beaux-Arts et au ministère de l'Intérieur pour former la police cambodgienne à la prévention et aux enquêtes sur les crimes commis sur les sites du patrimoine culturel et a aidé les juges et les procureurs à élaborer une stratégie globale de poursuite des crimes contre les biens culturels. Retour des statues du Duryodhana bondissant et de bhima au musée de Pnomh Penh. https://www.flickr.com/photos/usembassyphnompenh/15471173190/in/album-72157646693453594/


  • L'art Khmer dans la collection du MET museum


Harihara 8e-9e siècle - Tête de bouddha - Brahma 10e siècle - Durga 7e-8e siècle - Bouddha 7e siècle

  • Le pillage officiel pour le compte des musées

Quand on pense qu'il aura suffi à Malraux de se mettre en poche tout le gratin parisien de l'époque pour échapper à une peine de prison ferme, on peut se poser la question de savoir comment les musées français, dont le Guimet, ont constitué leurs fabuleuses collections, si ce n'est par le pillage officiel du patrimoine culturel de nos anciennes colonies. L'éventualité de cette hypothèse s'est avérée véridique et confirmée par Malraux lui-même à travers l'extrait d'interview suivant.

«Un quart d’heure avec André Malraux», entretien accordé à André Rousseaux, Candide [Paris], n° 348, 13 novembre 1930, p. 3. - - - Malraux : « Remarquez d’abord, dit-il, que j’étais en mission gratuite, mission qui me donnait seulement le droit de réquisition auprès des indigènes. Je n’avais, par conséquent, rien d’un fonctionnaire appointé et tenu à certaines obligations. J'opérais à mes frais, et les sculptures que j'ai rapportées, d'autres auraient pu aller les prendre avant moi s'ils avaient eu envie de s'enfoncer dans la brousse ; d'ailleurs, si on ne les avait pas saisies, j'en aurais donné la moitié au Musée Guimet.

  • L'affaire Malraux Sur le même tempo, Michael Freeman, auteur photographe explique dans son livre "Cambodge topographics" « les pillages officiellement autorisés ont joué leur rôle et, dans le cas du Cambodge, ont contribué à la fondation du grand musée Guimet à Paris. 


  • Les musées français

Entre 1866 et 1868, la France avait organisé une mission le long du Mékong dans le but d'en étudier la navigabilité et d'établir une route commerciale vers la Chine, dont plusieurs enquêtes de terrain ont mené Doudart de Lagrée à explorer les sites d'Angkor. Cette expédition inspira fortement l'un de ses coéquipiers, l'officier de marine Louis Delaporte engagé pour ses talents de dessinateur. Fasciné par la beauté des sites visités, il décide en 1873 de monter sa propre expédition pour collecter les plus belles pièces repérées lors de son précédent séjour, afin d'enrichir les musées français d'un art peu connu. Ses voyages à travers le Cambodge jusqu'en 1882 donnent lieu à une collection d'œuvres originales d'art khmer formant le noyau central du musée indochinois du Trocadéro à Paris, dont il est le fondateur, dont une partie des sculptures khmères sera offerte au musée Guimet pour constituer sa collection. - Commission d'exploration du Mékong à Angkor Vat en 1866.









  • Commission d'exploration du Mékong à Angkor Vat en 1866.

  • Ernest Doudart de Lagrée (1823-1868) - explorateur.

  • Louis-Marie Delaporte (1842-1925) - Officier de marine, explorateur, archéologue.

  • L'art Khmer dans la Collection du Musée Guimet



  • Brahma, (province de Battambang) - style de Koh Ker - 2e quart du 10e siècle.

  • Harihara, style du Phnom Da 7e siècle.

  • Fronton Style de Banteay Srei - vers 967

  • Déesse Bakong style Preah Ko - fin 9e siècle.

  • Partie inférieure de fronton - (Angkor Thom),12e-13e siècle.


  • En savoir +

  • Le Conseil International des Musées (ICOM), recense 100 objets disparus des temples angkoriens. Cette liste rouge permet l'identification d'œuvres-d'art susceptibles d'avoir été pillées et exportées illégalement du Cambodge.


  • Et... si les pierres pouvaient parler. Court-métrage documentaire, qui décrit la beauté abîmée des temples détruits et pillés de Koh Ker.



  • US return looted antiquities to Cambodia: 'The souls of our culture' Les États-Unis restitueront au Cambodge 30 antiquités pillées, notamment des statues en bronze et en pierre de divinités bouddhistes et hindoues sculptées il y a plus de 1 000 ans, ont annoncé des responsables américains.


  • The Guardian - Article Les États-Unis restituent au Cambodge des dizaines d'antiquités pillées sur des sites historiques.



  • PDF- Voyage au Cambodge; l'architecture khmer de Louis Delaporte publié en 1880.



  • Revue du patrimoine mondial. page 17 - La restitution des biens de Koh Ker.



  • La bataille de Bhima et Duryodhana dans le Mahâbhârata.



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