top of page

Tiananmen, la mémoire effacée

Eden Makaya

Dernière mise à jour : 25 mai 2024

Catégorie/Histoire/Chine


À partir d'avril 1989, des citoyens de toute la Chine se sont rassemblés sur la place Tiananmen à Pékin pour pleurer la mort du chef du Parti communiste libéral Hu Yaobang et partager leurs frustrations face à la lenteur des réformes promises. Ce rassemblement, qui au départ était un simple hommage, s'est rapidement transformé en manifestations pacifiques menées principalement par des étudiants clamant la fin de la corruption officielle et à des réformes politiques et économiques. Le 13 mai, des centaines d'étudiants manifestants sur la place Tiananmen ont entamé une grève de la faim afin de plaider en faveur de négociations avec les dirigeants du Parti communiste. Se sentant menacées par le nombre croissant de manifestants, les autorités déclarèrent la loi martiale le 20 mai et 250 000 soldats sont entrés à Pékin. Fin mai, plus d’un million de manifestants s’étaient rassemblés sur et autour de la place Tiananmen, organisant des marches et des veillées quotidiennes.



  • La loi du silence Étroitement contrôlé par le gouvernement, toute forme de commémoration du massacre de Tiananmen est formellement interdite. Les messages relatifs aux événements du printemps 1989 sont régulièrement effacés de l'Internet, avec plus de 3200 mots faisant référence au massacre ayant été censurés. Pour la jeune génération qui n'a pas vécu les manifestations, il y a peu de conscience de ce qui s'est passé et pour ceux qui étaient présents, aucun ne souhaite parler à visage découvert. Le gouvernement chinois n'est pas près de reconnaître et d'assumer la responsabilité de ce massacre de jeunes manifestants.


  • Une version officielle passée sous silence

Il parait évident que la version officielle des évènements de Tiananmen dissimule la réalité. Le gouvernement chinois a dans un premier temps justifié ses actes de répression sanglante par la nécessité de maîtriser un « incident contre-révolutionnaire », avant de revenir sur sa déclaration pour le qualifier de « troubles politiques ».


  • Les victimes cachées

Personne ne sait avec certitude combien de personnes ont été tuées. À la fin du mois de juin 1989, le gouvernement chinois a déclaré que 200 civils et plusieurs dizaines de membres du personnel de sécurité avaient trouvé la mort. D'autres estimations vont de plusieurs centaines à plusieurs milliers. En 2017, des documents britanniques ont révélé que 10 000 personnes étaient mortes.


  • Devant les chars

Après que les autorités chinoises aient ordonné aux soldats et à la police de tirer et de tuer les étudiants manifestants, un homme s’est démarqué de la foule.


Le 5 juin, cet inconnu surnommé « Tank Man » par la presse étrangère a fait face à une ligne de chars sur la place Tiananmen. Il était vêtu d'une chemise blanche et d'un pantalon noir, portant deux sacs à provisions. Il a été filmé en train de stopper le convoi d'un signe de la main, puis les vidéos sur le sujet montrent cet homme qui grimpe sur le premier char et parle avec l'un des occupants, redescend et fait mine à plusieurs reprises de laisser passer les chars qui ont tenté de manœuvrer autour de lui sans pouvoir continuer leur route. La presse à scandale de l'époque avançait la rumeur selon laquelle le premier char avait continué sa course, roulant sur l'inconnu, ce qui est faux. Par contre, on sait que deux hommes sont arrivés et ont enmené de force Tank Man, mais personne ne sait ce qui lui est arrivé.


  • photo prise depuis le complexe diplomatique américain, montrant les chars chinois se dirigeant vers Tiananmen. Bien que l'identité de ce courageux manifestant n'ait toujours pas été confirmée, une source britannique en place à Pékin cet été-là a rapporté qu'il s'agissait d'un étudiant de 19 ans s'appelant Wang Weilin, arrêté pour trouble politique. Divers rapports suggèrent que le jeune homme a été soit emprisonné, soit exécuté, mais les autorités chinoises refusent toute communication à son sujet. Tank Man a été acclamé dans le monde entier, devenu l'image emblématique des manifestations. Cette image a fait le tour du monde et son geste est depuis devenu le symbole du soulèvement sanglant de Pékin.


  • Le combat des Mères de Tiananmen

35 ans plus tard, la douleur est toujours aussi vive pour ces parents qui ont perdu leur enfant lors de cette nuit tragique. Ding Zilin ne peut oublier la nuit du 3 au 4 juin 1989, lorsque son fils Jiang Jielian est sorti à vélo pour apporter son soutien aux étudiants campant sur la place. L'armée et la police qui avaient reçu l'ordre d'utiliser la force tirent à vue sur cette foule de gamins sans défense. Jiang est touché en plein cœur et meurt comme tant d'autres sur les pavés de Tiananmen. Pour leurs actions à faire connaître la vérité au monde entier, Mme Ding et son mari ont subi les foudres du gouvernement ; arrestations, prison, pertes d'emploi, flicage incessants. Et, malgré le harcèlement permanent, ils n'ont jamais cessé leur combat pour répertorier les victimes qui augmentent au fil des ans et les circonstances de leur mort. Mais nombre de personnes se terrent dans le mutisme par peur que leur famille en subisse les conséquences. Certaines familles n'ont même pas récupéré les corps de leurs enfants tués. Et d'autres ne veulent communiquer aucune information sur leur proche disparu.



En savoir +

  • Documentaire/Tiananmen, la mémoire interdite


  • Documentaire/Le grand incident de la place Tiananmen en 1989


  • Human Rights Watch/ En 2019, Human Rights Watch a publié un rapport détaillant les arrestations signalées en Chine des personnes associées aux manifestations.

  • Documentaire/Liu Xiaobo : L'homme qui a défié Pékin



  • Documentaire/20 ans après Tiananmen, les étudiants chinois découvrent la réalité

Comments


Commenting has been turned off.
© Copyright-Art Photography-Eden Makaya
    bottom of page