Reportage Chine - Extrait ... Chine éternelle
La pratique des pieds bandés aussi nommé pieds liés, fut appliquée en Chine du Xe siècle jusqu’au début du XXe siècle, sur les petites filles issues des classes sociales favorisées, avant de s’étendre à toute la société chinoise. Une coutume barbare, fortement ancrée dans l'esprit chinois.

Pendant plus de 1000 ans, les mères chinoises ont enveloppé de bandages serrés, les pieds de leurs filles, afin de les rendre aussi petits que la taille d’un paquet de cigarettes, soit 7 cm. Cette ancienne coutume infligée aux femmes, est née à l'époque de la Chine impériale sous la dynastie Tang (618-907), lorsque l'empereur Xuanzong inventa ce procédé pour assouvir son désir et accroître son plaisir à regarder l'épouse royale et ses concubines exécuter avec grâce la danse du lotus.
Cette tradition s'est ensuite étendue à la dynastie des Song (960-1279), pour être pratiquée dans toutes les couches de la société, sous la dynastie Ming (1368-1644) et Qing (1644-1912). jusqu'à devenir un véritable symbole de féminité et de richesse. Sous les Han, les familles de classes inférieures mutilaient leurs filles pour leur assurer un avenir réjouissant en leur garantissant un mariage dans des familles aisées, gage d'une vie oisive et confortable.

Bourgeon de fleur de lotus

Symbole ultime de féminité
Le terme "lotus d'or" est intimement lié aux critères de beauté de la noblesse chinoise. Les pieds bandés étaient comparés aux bourgeons des fleurs de lotus, dont la forme arrondie et la petite taille était associée à la pureté, au désir et à l'érotisme du regard des hommes sur ces femmes.
Les chaussures spécialement conçues pour les petits pieds, accentuaient l'image de délicatesse et de raffinement.
Modèle de la dynastie Qing

Chaussures chinoise pour pied bandé, 18 ème siècle

Une technique barbare pour le bon vouloir de la noblesse
Au XIXe siècle, l’impératrice Cixi tenta de bannir cette pratique barbare, mais c’est à partir de 1912 après la chute de la Dynastie Qing, que la coutume des pieds bandés commence à être réprouvée, avant d'être interdite et finalement abandonnée en 1949 avec la proclamation de la République Populaire de Chine et l'arrivée de Mao Zedong au pouvoir. Malgré cette interdiction, la coutume profondément ancrée dans les mœurs, continua à se perpétrer encore longtemps et en toute discrétion, notamment dans les provinces éloignées de la capitale, du Yunnan, où l'ordre intimé par le gouvernement étant de faire retirer tous les bandages des pieds des femmes et de leur infliger une amende en cas de désobéissance. Pris par la peur d'être attrapées, ces dernières n'hésitaient pas à se cacher.
L'impératrice Cixi (1835-1908)

Femmes aux pieds de lotus - Yunnan

Le bandage des pieds commençait à l’âge de 4 ans et nécessitait environ 2 années pour atteindre la taille idéale d'un bouton de lotus. Les pieds étaient baigné dans une solution d’eau et de sang animal, mélangés à des plantes médicinales, les orteils à l’exception du gros orteil étaient cassés et repliés sous la voûte plantaire, celle-ci étant courbée par l’apposition d’un petit cylindre, afin de donner au pied la forme désirée, qui était ensuite bandé et placé dans une chaussure pointue, de plus en plus petite, jusqu'à l'obtention de la taille désirée. Malgré les soins apportés quotidiennement, le taux de mortalité par septicémie atteignait 10%.
Les accidents étaient très fréquents, la compression du pied entraînant de nombreux problèmes, dont des lésions de l'articulation tarsienne, le déplacement du calcaneum (talon), qui se retrouvait à la verticale et qui en cas de chute pouvait se fracturer. Indispensable pour soutenir le poids du corps, cette cassure de l'un des deux os du tarse est particulièrement handicapante au quotidien, car il est impossible de s'appuyer sur le pied.
Radiographie de pieds bandés Squelette d'un pied normal


Position normale du talon -position d'un pied atrophié

Privés de l'oxygène nécessaire, il arrivait que les orteils douloureux devenaient indolore, la peau changeait de couleur, elle est pâle, puis rouge et marron, puis violette, jusqu’à devenir noire. les orteils nécrosés finissaient par tomber, et malgré la douleur engendrée, le lotus encore plus petit était très prisé. Par temps froid, la mauvaise circulation sanguine engendrait de grandes douleurs et par temps chaud, l'humidité et la chaleur entraînait une transpiration excessive qui donnait lieu à de nombreuses mycoses et infections aux pieds.
Supplice et handicap étaient le quotidien de ces femmes jusqu'à leur fin de vie. Ne pouvant marcher normalement, se déplacer était très difficile, elles sortaient très peu du domicile conjugal, se limitant à des tâches domestiques simples, s'adonnant à la broderie, la couture, la musique etc. ce qui représentait une appartenance à un rang élevé dans la société chinoise de l'époque, contrairement aux paysannes qui travaillaient dans les champs et qui n'auront jamais les pieds bandés.
Jeune femme aux pieds mutilés

Comparaison d'un pied normal à gauche et de pieds mutilés à droite

Publication de 1896

Pieds bandés en Chine
Un article de 1937 paru dans Journal of Bone and Joint Surgery, donne l'une des rares descriptions physiques détaillées de la pratique des pieds bandés actuellement disponibles, mais encore exprime la cruauté du processus dans la métaphore et ignore largement les conséquences durables sur la santé. “Les quatre orteils sont fléchis sur la voute plantaire et sont maintenus dans cette position, les métatarsiens sont pressés ensemble au fur et à mesure que les bandages sont appliqués. Malgré la douleur après chaque pétrissage, la jeune fille est obligée de marcher, afin d'aider à rétablir la circulation".


Il existe des divergences d'opinion considérables quant à l'origine et à l'histoire de la pratique des pieds bandés. Une discussion approfondie sur ce sujet est contenue dans les travaux de Yu Cheng-hsih (1775-1840). La croyance la plus généralement acceptée est que cela a commencé avec une dame nommée Yao Niang à la cour de Li Yu, roi des Tang du Sud, un grand poète mais un pauvre dirigeant, qui régna à partir de 961 après JC. Ce point de vue ne peut cependant pas être accepté par les chercheurs critiques, car une pratique aussi difficile et cruelle, lancée par une dame de la cour dans un petit royaume de la vallée du Yangtsé à la fin du Xe siècle, n'aurait pas pu devenir une mode assez générale au siècle suivant, et nous avons la preuve incontestable que le bandage des pieds était déjà couramment pratiquée dans le nord de la Chine au XIe siècle ; Nous avons des preuves pour montrer que, dès le IXe siècle, les pieds des chanteuses et des danseuses étaient déjà devenus très petits. Le poète Tu Mu (803-852 après J.-C.) a décrit les pieds d'une femme artiste comme ayant « la longueur d'un pied moins un quart », soit dix-huit centimètres et six dixièmes, et comme « minces et pointus comme des pousses de bambou » et « enveloppés ». en soie brodée". Un autre poète, Han Wo (décédé vers 915 après JC), a parlé du pied d'une femme comme mesurant seulement six pouces de longueur (soit quatorze centimètres et neuf dixièmes). En un demi-siècle, la longueur des pieds avait été réduite de près de quatre centimètres. Dans le même poème, Tu Mu écrit : "Les jeunes insouciants de Chang-an, profitant de son ivresse, retirèrent en riant ses pieds de dessous ses jupes et les exhibèrent devant les fleurs." Ceci indique clairement l'existence d'une tendance à jouer avec les pieds des femmes, tendance qui, plus que le patronage impérial ou tout autre





Approfondir le sujet ...
Les pieds bandés - Bd de Li Kunwu
Spécialisé dans la bd de propagande, Li Kunwu est un auteur chinois qui s'est dirigé vers l'étude des minorités culturelles chinoises. Originaire du Yunnan, il devint dessinateur de presse pour le journal de sa province.
Auteur de nombreux ouvrages sur la société chinoise, Li Kunwu entraîne son lecteur dans l'histoire de ChunXiou, une jeune fille forcée de se bander les pieds suivant la tradition ancestrale et dont la vie est devenu un véritable calvaire. Avec la révolution culturelle, elle devra supporter la pression d'une nouvelle société qui rejette toutes ces anciennes coutumes. "À six ans, Chunxiu ne peut plus courir, ni sauter, ni marcher comme les autres enfants de son âge. Des bandelettes enserrent étroitement ses pieds, lui faisant souffrir le martyre. Grâce à cette mutilation qu'elle refusait, son entourage espère qu'elle épousera un riche parti, s'élevant ainsi au-dessus de sa condition paysanne. Une décennie plus tard, la jeune fille est effectivement très courtisée et un bel avenir semble lui être promis. Mais le vent du changement souffle alors sur la Chine... " Cet émouvant destin n'est autre que celui de la nourrice de l'auteur qui aborde le sujet délicat de cette horrible tradition imposée par le regard d'une société patriarcale, symbole d'une Chine ancestrale tournée vers le passé.
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