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Les Diaolous de Kaiping, ces étranges forteresses de la Diaspora chinoise

Eden Makaya

Dernière mise à jour : 24 avr. 2024

Reportage Chine – Extrait... Mémoires de Chine

Catégorie- Histoire/Architecture


À l’époque, 3000 Diaolous se dressaient dans les plaines de Kaiping, il n’en resterait plus aujourd’hui que 1833. Les diaolous et les villages de Kaiping sont inscrits au patrimoine mondial de l'UNESCO depuis 2007. Le diaolou tire son nom d’un terme militaire signifiant tour de guet ou fort, est directement lié aux événements qui poussèrent la population à fuir l’insécurité permanente engendrée par les guerres civiles en émigrant vers d'autres provinces du pays, puis à s’expatrier vers d’autres contrées, principalement en Asie du sud-est, en Australie et en Amérique du nord.


  • Histoire des diaolous Située dans la province du Guangdong, la ville de Kaiping connut au début du 20e siècle un grand mouvement migratoire dû aux périodes de troubles, où révoltes, pillages, enlèvements et meurtres ravageaient la région. Les diaolous forment un type particulier de construction qui était une tradition locale pour se prémunir du banditisme. Ces tours majestueuses présentent une valeur culturelle et historique qui témoigne d'un passé mouvementé et passionnant. Leur origine remonte au XIVe siècle, mais la période d'expansion de leur construction date de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle. Cet ensemble architectural est représentatif d'un style d'art unique qui symbolise un échange étonnant de styles architecturaux.


Les styles de construction sont variés et très esthétiques, reconnaissables aux riches décorations qui ornent leurs façades. Elles sont composées d'un espace de vie aménagé dans un style assez luxueux pour l'époque, organisé autour de cuisines, de salons et de chambres à coucher, avec des zones ouvertes reliant les pièces entre elles. Lors de l'ouverture économique de la Chine dans les années 1980, certains des villageois quittèrent la région pour s'installer à l'étranger, laissant la plupart des diaolous inoccupés, mais toujours considérés par les membres de la diaspora chinoise comme demeure spirituelle.



  • Village de Zili/自力

Le groupe de diaolous de Zili est construit à l'arrière du village, entouré de champs, de rizières, d'étangs et de bois. Il est composé de quinze bâtiments édifiés entre 1917 et 1948, comprenant un ensemble de neuf tours et six villas de style occidental en brique bleue à un étage, et d'un musée relatant l'histoire de ces forteresses de pierre.



  • Les types de diaolous

Trois catégories de bâtiments fortifiés, constituent les villages de diaolous, en fonction de leurs utilisations et des installations. On distingue, les genglous, les zhulous et les zhonglous.












Les tours communautaires/Genglous sont les plus anciennes et représentent environ 26 % des diaolous de Kaiping. Elles sont situées à l'arrière des villages, financées par la collectivité des villageois qui partageaient le coût de la construction. Leurs fonctions principales étaient de servir de refuge temporaire aux familles en cas de danger, de lieu de conservation des objets de valeur, mais également, lors des grandes inondations des plaines rizicoles. À cet effet, ce type de tours repose sur une base surélevée du sol. L'intérieur était conçu de manière simple, avec très peu de décorations, composé de plusieurs pièces séparées les unes des autres où chaque famille pouvait trouver refuge.


  • Yunhuan Lou- Tour des nuages illusoires (1921) - Communautaire

Yunhuan Lou a été construit en 1921 par Fang Wenxian, un villageois de Zili, résident en Malaisie. D'une hauteur de 18 mètres, la tour construite en béton armé est composée de cinq étages, occupant une surface au sol de 342 mètres carrés, entourée d'un terrain de 1548 mètres carrés. Le design de ce diaolou est relativement simple, autant à l'extérieur qu'à l'intérieur. Un escalier traversant les étages mène jusqu'au toit-terrasse, qui est entouré d'une balustre nautile et d'un pavillon, dont les arches sont décorées dans le style baroque. Les pièces sont aménagées modestement et reflètent le style de vie traditionnel de l'époque.





  • Les tours résidentielles/zhulous étaient souvent situées à l'arrière des villages et constituent environ 62 % des diaolous de Kaiping. Elles ont été construites par de riches familles et servaient d'habitations. Ce sont des tours très hautes et très spacieuses afin d'accueillir plusieurs familles.




  • Mingshi Lou- Tour de la pierre gravée (1925) - Résidentielle

Mingshi Lou a été construit par Fang Runwen, son propriétaire. Un villageois qui a fait fortune dans la restauration à Chicago. À son retour dans le village en 1925, il fit bâtir cette tour de six étages de 22 mètres de hauteur. Située dans une cour, son occupation au sol est d'environ 600 mètres carrés, comprenant un bâtiment secondaire qui servait à la fois d'entreposage pour le matériel agricole et de cuisine pour les domestiques.




  • Les tours de guet/zhonglous ont été le dernier type à être construit et représentent environ 12 % des diaolous de Kaiping. Elles sont situées principalement à l'entrée ou à l'extérieur des villages, constituant un moyen de défense primordial pour les villageois. Ce sont des tours hautes, positionnées à des endroits stratégiques, sur une colline ou sur la berge d'une rivière, permettant une vue dégagée sur la campagne environnante. Elles sont équipées de puissants projecteurs et de sirènes d'alarme, afin de pouvoir détecter toute intrusion et d'alerter l'ensemble de la zone rurale.

  • La tour de guet du clan Fang 

​La tour de guet est située sur une colline à 1,5 km au sud du village de Zili. C'est une construction collective réalisée en 1920 par les paysans de plusieurs villages du clan Fang, qui ont participé à son financement. Haute de 18 mètres, elle est construite en béton et s'élève sur cinq étages avec de petites fenêtres munies de volets en acier. Son sommet contient une loggia à arcades, surmontée d'un pavillon à coupole. Pendant les périodes de troubles, les hommes armés de fusils se relayaient à la tour, pour surveiller les alentours. Lors d'un danger potentiel, le puissant projecteur balayait la campagne environnante et la sirène permettait d'avertir les familles qui avaient le temps de se réfugier dans les diaolous.


  • Mesures défensives

Les édifices hauts de plusieurs étages ont été conçus avec des structures renforcées. Des murs de 30 à 50 cm d'épaisseur, empêchant les bandits d'incendier ou de percer les bâtiments. Les fenêtres, plus petites que dans les simples habitations, sont munies de larges barreaux et de volets en acier.




L'entrée principale est protégée par une large grille en fer et une lourde porte intérieure. L'ensemble formant un espace inviolable, capable de résister aux attaques extérieures.


Le dernier étage, agrémenté d'une terrasse, possède à ses quatre coins des tourelles (nids d'hirondelles), munies de meurtrières, permettant l'observation et l'envoi de projectiles. Cette embrasure typique de l'architecture militaire médiévale contribuait efficacement à la défense active.




Pour renforcer leur protection, les vérandas du dernier étage étaient munies de barreaux et les occupants étaient armés de fusils et se servaient également d’huile bouillante qu'ils versaient du haut des tours sur les assaillants.






  • Matériaux de construction

La plupart des tours ont été conçues par les résidents des villages, rentrés d'outre-mer. Cependant, certains ont eu recours à des architectes de Hong Kong et de Canton, auxquels ils remettaient des dessins, des cartes postales, des photographies montrant des détails architecturaux et des décorations qui leur avaient plu pendant leur séjour à l'étranger. En fonction des moyens financiers des émigrés, différentes méthodes de construction ont été utilisées à la conception des diaolous, regroupant quatre types de matériaux : la pierre, le pisé, la brique et le béton. Les tours en pierre ne représentent que 0,5% des constructions des diaolous. Elles ont été édifiées dans les régions montagneuses.


Le pisé est une technique de construction ancestrale qui était très répandue dans l'ancienne Chine. Elle consistait à poser plusieurs couches de terre battue dans des cadres en madriers, mélangées à de l'argile, des cendres, du gravier ou des cailloux de rivière, liées avec du sucre et de la pâte de riz gluant. Ce matériau qui offre de nombreuses qualités, robuste et durable, à l’avantage de résister aux épreuves du temps. Les tours en pisé représentent environ 5,6 % des diaolous qui se trouvent principalement dans les régions montagneuses. L’utilisation de ces matériaux reste les moins coûteux et les plus fréquemment utilisés, que l’on retrouve dans une centaine de tours. Les diaolous en pierre et en pisé ont les formes les plus simples.




Profil de sol - 0: Litière. A: Humus ou terre végétale. B: Terre utilisé pour le pisé. C: Roche-mère altérée.




construction en brique rouge

  • Les constructions en briques représentent environ 13,6 % des diaolous des villages, situés dans les collines et les terrains plats. Elles ont été conçues avec divers types de briques : les briques rouges d'importation, les briques rouges tirées des terres de la dynastie Ming et les briques bleues des terres de la dynastie Qing, qui sont les plus onéreuses, mais les plus esthétiques. Ce matériau a permis le développement d'encadrements de fenêtres et de tourelles d'angles arrondies. Les murs sont épais et les constructions sont relativement complexes comparés aux deux types précédents.


En matière de conception architecturale, les Chinois ne connaissaient ni le béton ni l'acier et ce n'est qu'à la fin du XIXe siècle que les matériaux nécessaires à sa conception ont été importés à Hong Kong et à Macao, remplaçant peu à peu le bois et la brique.

Le béton, qui dans un premier temps nécessitait l’importation de ciment et d’acier, était assez onéreux et réservé aux riches familles. Par la suite, ces matériaux ainsi que les techniques de construction en béton, ont été rapportés de l’étranger par les émigrés de Kaiping et sont devenus plus répandus. Les dalles et les sols en béton armé de ces diaolous ont été renforcés avec des poutres en fer. Cette innovation de matériaux et techniques a permis la réalisation de 1474 diaolous entre 1920 et 1930 et représentent 80 % de ceux répertoriés dans la région. Ce sont les plus beaux et les mieux préservés, situés dans les zones plates et à faibles collines.


Durant la période de construction des diaolous, les parties supérieures des tours ont été agrémentées d'une riche décoration très variée où l'imagination des constructeurs n'avait pas de limites. Les matériaux arrivants de l'étranger faisaient l'objet de querelles auprès des gens désireux de construire les tours les plus belles, les plus hautes, les plus décorées. Le béton permettant toutes les formes, le but étant d'avoir la tour la plus originale. Par exemple, la tour Mingshi Lou (citée plus haut) a été construite avec les dernières techniques de construction et matériaux occidentaux, tels que le béton armé et des portes en acier allemandes.



  • Style architectural L’originalité qui caractérise le style d’architecture de ces édifices est à la fois un habile mélange emprunt de la culture chinoise et d’influence occidentale, donnant à l’ensemble de la structure une composition équilibrée et parfaitement intégrée à son environnement. On retrouve dans celles-ci des toitures en forme de pagodes, des dômes, des colonnes grecques.




De nouveaux éléments architecturaux venus de l'Occident ont fait leur apparitions. De ce subtil mélange de styles aux influences, baroques, romaines et gothiques, les diaolous se rapprochent des bâtiments construits dans les villes occidentales de l'époque. Il en est de même dans la conception des toitures, des terrasses, des vérandas, des dômes, agrémentés de colonnes grecques, de balcons portugais, d'entrées et d'escaliers méditerranéens. Les vitraux également étaient très prisés pour la décoration des portes et des fenêtres.


La partie supérieure de Mingshi Lou est relativement complexe et richement décorée. Le cinquième étage dispose d'une véranda en avancée, structurée de colonnes ioniques, caractérisée par une base moulurée, des chapiteaux à volutes et des cannelures à la décoration baroque. Le dernier étage est agrémenté d'un pavillon hexagonal de conception chinoise avec des colonnes de style occidental.


Le travail du stuc était une tradition transmise de génération en génération, très utilisée pour la création de divers motifs, au gré des inspirations des artistes constructeurs. De nos jours, les ornementations en stuc des diaolous et des villas des villages de Kaiping représentent une grande valeur de patrimoine culturel. De nombreuses tours présentent des traces de finitions peintes à l’ocre rouge sur les surfaces lisses en béton et des traces de peinture multicolore sur les panneaux en stuc.


Cette fusion pluriculturelle a permis un subtil mélange des genres dans les décorations. Ainsi, certains motifs formels de l'architecture occidentale privilégiant les formes esthétiques à répétitions telles que, cercles, carrés, rectangles, arabesques, se mêlent aux traditionnels motifs chinois basés sur la nature. Chaque diaolou comporte des inscriptions traditionnelles chinoises calligraphiées en haut des façades principales, soit le nom de son propriétaire, le nom du bâtiment, le nom du village, ou un nom évoquant l'utilité du bâtiment. Pour cela, les familles avaient recours à un calligraphe renommé.







  • Intérieur des diaolous

Certains diaolous contiennent toujours leur mobilier, les accessoires d'usage domestique ainsi que les objets personnels des familles vivant à l'étranger. La conservation en l'état des intérieurs permet de se représenter le mode de vie des villageois du siècle dernier. ​L'intérieur des tours était agencé pour plusieurs familles résidentes où la vie s'organisait en fonction des tâches quotidiennes. Chaque étage avait un rôle bien spécifique. Le rez-de-chaussée était réservé aux activités communes, réunissant l'élevage de volailles et les appareils de production ; vanneuse à grain, séchoirs à riz, etc.


Le premier étage se composait des pièces à vivre comme la cuisine, équipée de nombreux ustensiles et d'un foyer en brique sur lequel le feu brûlait en permanence. La salle de séjour était dédiée aux divertissements et les chambres à coucher étaient meublées sobrement, d'un lit clos à baldaquin.




Le deuxième étage comprenait les chambres secondaires et servait également de réserve. Le troisième étage était utilisé pour le séchage des diverses variétés de céréales et le dernier étage était l'espace sacré, réservé au culte des ancêtres.




  • Extérieur














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  • Vidéo/Kaiping Diaolou and Villages「UNESCO World Heritage Sites in China






























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