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La lutte pour le pouvoir
Après l'échec du Grand bond en avant lancé par Mao Zedong entre 1958 et 1960, causant la mort de millions de Chinois, le Grand Timonier appela à une nouvelle folie pour éliminer ce qu'il appelait les influences bourgeoises et contre-révolutionnaires. En 1966, Mao lançait sa révolution culturelle, s'appuyant sur la jeunesse chinoise pour renforcer son pouvoir, qui n'était ni plus ni moins qu'un coup d'État pour affirmer sa position afin de se débarrasser de ses opposants politiques. D'une ampleur incroyable, ce mouvement de masse incontrôlable se solda une nouvelle fois par plus d'un million de morts.

Les citations de Mao Zedong
Le Petit livre rouge, tiré à plus d'un milliard d'exemplaires, est un recueil des citations du président Mao Zedong. Il paraît en 1964 et devient la bible du peuple chinois, dont chaque adulte et enfant possèdent un exemplaire..
Le petit livre rouge se compose de 427 citations de Mao, classées en 33 chapitres, chacun se rapportant à un thème.
Des plus jeunes aux plus anciens, toute la population doit connaître par cœur les citations du petit livre rouge.


Le pouvoir se manifeste par ses effets
La publication du Petit livre rouge en Chine paraissait insuffisante au Grand Timonier qui voulait exporter sa doctrine dans le monde entier. Diffusé dans 150 pays, il débarque en France fin décembre 1966 et devient le leitmotiv des intellectuels de gauche qui découvrent l'idéologie des théories marxistes-léniniste de Mao et rêvent de cette révolution culturelle pour transformer l'Occident en un monde meilleur. On retrouvera en mai 68 une grande partie de cette jeunesse élitiste fondant ses espoirs pour renverser le capitalisme.
Mao le tout puissant
Ce pouvoir qu'on pourrait qualifier de puissance, qui au point de vue moral est un acte de manipulation par lequel le Grand Timonier a obtenu le consentement de millions d'individus à se comporter d'une manière qu'ils n'auraient pas spontanément adoptée par eux-mêmes.

Endoctrinement de la jeunesse
Pendant la Révolution culturelle, la lecture des citations de Mao était obligatoire en Chine, servant à l'endoctrinement de toute une génération au cœur de la grande purge menée par une jeunesse influençable contre les opposants du président chinois.


À cette époque, les enfants ont appris un programme haute-ment politisé dans le but de s'assurer que la jeune génération continuerait leur zèle révolutionnaire que Mao considérait nécessaire pour empêcher le pays de revenir au capitalisme.
Les enfants étaient encouragés à dénoncer aux autorités tout ce que leurs professeurs disaient, mais aussi à signaler leurs parents et leurs voisins sur les critiques envers Mao et la politique gouvernementale. Beaucoup de gens ont perdu la vie pour avoir résisté.

Une atmosphère de poudrière
Ce mouvement encouragé et manipulé par Mao dans une stratégie de reconquête du pouvoir a mené la jeunesse endoctrinée vers la création d'une nouvelle organisation nationale. Ils portaient tous des uniformes militaires et des brassards rouges, éliminant les contres révolutionnaires qui étaient persécutés, harcelés, torturés et battus à mort. Leurs biens étaient volés, leurs maisons saccagées avant d'être brûlées. Ils ont profané les églises chrétiennes, détruit les temples bouddhistes, changé les noms des rues, fermé les magasins de luxe et brûlé des livres jugés hérétiques à la doctrine maoïste.


Des slogans politiques des Gardes rouges écrits sur les murs des universités, comme ci-contre à Shanghai. « Défendez le comité central avec notre sang et notre vie… Défendons le président Mao avec notre sang et notre vie.
Les Gardes rouges en action, destruction de panneaux publicitaires.

La pensée unique

Baptisé par eux-même Gardes rouges, le nombre de ces fanatiques n'a cessé d'augmenter de jour en jour. Mao s'est rendu compte que ces jeunes partisans avaient le potentiel pour lui faire atteindre ses objectifs de grandeur, accordant à sa garde le droit de mener à bien toutes les actions nécessaires pour unir les pensées du peuple en une seule. 1968- Distribution de livres à la population, sélectionnés par Mao.

Un engouement proche de l'hystérie
Les Gardes rouges se ruaient sur les cibles ordonnées par leur maître, tels des chiens enragés aux crocs acérés. Entre août et septembre 1966, 11 millions de ces jeunes militants révolutionnaires, composés d'enfants et de jeunes adultes, représentant la puissance et la force politique de l'avenir de la Chine, déferlent sur la place Tiananmen à Pékin, répondant à l'appel de Mao en brandissant le Petit livre rouge. Le slogan hurlé par ces fanatiques écrasait leurs doutes en braillant à tue-tête leur foi envers leur leader : « Débarrassez-vous des quatre vieilleries : les vieilles pensées, la vieille culture, les vieilles coutumes, les vieilles habitudes ». Faire la révolution pour ces jeunes consistait à scander des slogans extraits du Petit livre rouge. Place Tiananmen, des milliers d'étudiants brandissent le petit livre rouge.


Persécution des enseignants
Alors que les Gardes rouges commençaient à persécuter les intellectuels, les enseignants devinrent leurs principales cibles, pensant que tyranniser leurs professeurs était de leur responsabilité. Lors des séances d'autocritique publique, les incriminés étaient rués de coup, affligés d'un bonnet d'âne ou/et d'un panneau suspendu rédigé d'insultes.
Bonnet d'âne et panneaux suspendus étiquetés « ennemis » sur la tête et sur le torse des anti-maoïstes.

Le sang versé des innocents
Il n'y avait aucun endroit où se cacher, chercher refuge ou fuir la folie meurtrière qui avait envahi Pékin. Les Gardes rouges faisant preuve d'une extrême violence envers la population, s'en prenaient à quiconque ne suivait pas la ligne directrice maoïste et nombre de personnes sont mortes des persécutions physiques qu'ils ont endurées lors de sessions de lutte des masses.
« Il vaut mieux exécuter un innocent que prendre le risque de laisser un coupable en liberté ». Cette maxime tirée du Petit livre maudit résume à elle seule les événements tragiques qui s'ensuivirent. Le 5 août 1966, Bian Zhongyun, directrice adjointe d'une école de Pékin, a été battue à mort par ses propres élèves. C'est l'une des premières victimes de la violence révolutionnaire qui allait engloutir la nation entière.
Bian Zhongyun (1916-1966)
Les élèves ont cité un incident survenu en mars 1966, juste après qu'un tremblement de terre ait frappé les alentours de Pékin. Par mesure de précaution, les professeurs ont ordonné aux élèves de quitter rapidement l'établissement au cas où un second séisme frapperait. Un élève a demandé à Bian si quelqu'un devait emporter les portraits du président Mao accrochés dans chaque classe. Bian n'a pas répondu, mais s'est empressé de faire sortir tous ses élèves à l'extérieur. Le 23 juin, les élèves de cette même école ont apposé des affiches rédigées d'insultes sur la porte du domicile de leur enseignante, puis ils ont organisé une séance de lutte contre elle, à laquelle tous les étudiants et enseignants devaient assister. Après la séance d'autocritique, Bian a écrit une lettre aux responsables du parti, critiquant ses propres erreurs en suppliant qu'aucune violence ne lui soit faite, mais sa requête est restée sans réponse.
Bian a raconté par écrit l'humiliation et les tortures subies par les Gardes rouges lors de la critique publique. « J'ai été enchaîné et tourmenté pendant plus de quatre heures. Je devais porter un bonnet d'âne et m'incliner à genoux pendant qu'on me frappait et me donnait des coups de pied. J'avais les mains liées derrière moi et deux faux fusils utilisés pour l'entraînement de la milice m'ont été plantés dans le dos. De la boue était introduite dans ma bouche et étalée sur tout mon visage et tout mon corps ».
Pas d'accusations, pas de justice
Le drame tant redouté arriva le 05 août suivant. N'ayant reçu aucun soutien du parti de Pékin, les enseignants assistent silencieux à l'exécution de leur collègue, battue à mort sous leurs yeux. Personne n'a jamais été inculpé pour le meurtre de Bian Zhongyun, et ce, malgré des centaines de témoins. D'autres enseignants ont été tués dans les mêmes circonstance et leurs morts n'ont jamais été mentionnées dans l'histoire officielle.
Les victimes oubliées.
He Dinghua, institutrice à la retraite, tuée à son domicile par les Gardes rouges le 27 août 1966.
Zhang Fang, professeur au collège Erlonglu de Pékin. Elle s’enfuit de Pékin, fut rattrapée et mourut à Xinxiang, dans la province du Henan, le 19 mai 1968.
Wang Qingping, directrice de l’école élémentaire Liangjiayuan, tuée sur le campus le 20 août 1966.
Tang Zheng, professeur au collège numéro 1 du district de Liu Yang dans la province du Hunan, battue à mort sur le campus en août 1966.
Sun Lisheng, professeur à l’école de filles numéro 3 de Pékin, tuée sur le campus le 12 juillet 1968.
Hu Xiuzheng, professeur au collège de filles rattaché à l’Université des professeurs de Pékin, tuée sur le campus le 11 août 1968.

Le Mea-culpa des sanguinaires
En 2014, Son Binbin, la princesse rouge (prince/sse rouge, désigne les descendants des hauts dirigeants du PCC) des gardes de Mao et plusieurs de ses anciens camarades ont présenté des excuses aux victimes de leur folie meurtrière. Elle affirme avoir tenté d'empêcher l'assassinat de Bian Zhongyun. « Nous n'avions pas une connaissance élémentaire de la constitution et de la loi, nous ne savions pas que les citoyens devaient bénéficier de la protection de la constitution et que la liberté individuelle est inviolable. Notre ignorance collective de la vie et des droits de l'homme a conduit à la tragédie de l'assassinat de Bian ».
1966- Binbin attache un brassard rouge au président Mao Zedong. Lors de cette rencontre, Mao avait rebaptisé Binbin, qui signifie « bien élevée et polie », en Yaowu, qui signifie « sois violente », bien plus adapté à sa Révolution. Lors d'une interview au New York Times, Wang Jingyao, le mari de Bian, la professeur battue à mort, affirme n'avoir jamais été contacté par Song Binbin ni avoir reçu d'excuses de sa part : « Elle et ses camarades ont été soutenus par Mao Zedong qui a été la source de tous les maux, ils sont tous responsables ».
Du grand Timonier au petit Timonier
En 1976, Mao meurt en laissant derrière lui des millions de morts. Hua Guofeng, dirigeant de transition nommé peu de temps avant la mort du grand Timonier, fait arrêter la bande des Quatre, un groupe de dirigeants chinois dont Jiang Qin, la femme de Mao, Zhang Chunqiao, Yao Wenyuan et Wang Hongwen, accusés d'être les responsables du chaos de la Révolution culturelle. (Simon Leys, l'un des plus grands sinologues, évoquera la bande des Cinq, comptant Mao dans la faction). Mais très peu sont les partisans au sein du parti qui le soutiennent, et son pouvoir s'essouffle. À l'inverse, bon nombre des dirigeants soutiennent Deng Xiaoping, qui lui prend la tête du PCC en 1979 et lance son programme Boluan Fanzheng « éliminer le chaos et revenir à la normale » et interdit le Petit livre rouge, obligeant à la destruction de cent millions d'exemplaires. On connait la suite avec les évènements tragiques survenu au printemps 1989 sur la place Tiananmen sous la présidence de Deng Xiaoping. De nos jours et dans toutes les universités chinoises, trois cours sont obligatoires : la pensée de Deng Xiaoping, le marxisme et une introduction à la pensée de Mao.

Les aveux forcés de la Chine
On pourrait penser que l'humain tire des leçons de son passé et que le déclin du maoïsme s'est enclenché avec la mort de son leader et bien que le Petit livre maudit et les babioles à l'effigie de Mao reléguées dans les brocantes de Pékin font le bonheur des touristes, les séances d'autocritique existent toujours en Chine.
Certes, ces séances d'humiliations ne se déroulent plus sur la place publique, en présence de milliers de témoins, mais les aveux des personnes incriminées sont diffusés dans les médias publics au vu de millions de spectateurs, dont les méthodes employées sont très peu différentes des pratiques utilisées lors des séances de lutte de l'ère Mao.
C'est une violation des droits de l'Homme perpétrée en vue de servir les intérêts politiques du PCC. Dans le viseur figurent des défenseurs des droits, des avocats, des journalistes, des blogueurs, des artistes, etc. Bref, toutes les personnes qui osent critiquer le Parti se retrouvent sur le banc des accusés.
Ces aveux forcés télévisés avant même l'ouverture d'un procès sont considérés par le droit international comme une extrême violence au niveau physique et moral pour les prisonniers obligés à mémoriser et à lire des aveux écrits qui sont diffusés par les médias publics chinois qui se rendent complices. Les enregistrements des confessions sont toujours produits de manière à dissimuler la véritable nature de la façon dont ils ont été fabriqués et ils sont souvent édités pour déformer leur sens. Plusieurs groupes de défense des droits de l'homme ont soumis des rapports aux Nations Unies afin de dénoncer les pratiques du PCC.
China’s practice of extracting and broadcasting forced confessions before trial
Safeguard Defenders
Human Rights Watch
En savoir + Livres
Les Habits neufs du Président Mao de Pierre Ryckmans alias Simon Leys
Simon Leys (1935-2014) est le seul a avoir osé dénoncer et démystifier la révolution culturelle de Mao dans son livre paru en 1971. Mis au ban de l’intelligentsia européenne, il dû attendre plus de dix ans avant d'être écouté et reconnu.
Du même auteur, sur la Révolution culturelle et dénonce le mensonge maoïste.
Ombre chinoise - 1974 Avant propos « Dieu sait pourtant combien l'existence serait agréablement simplifiée si nous pouvions nous persuader que seule la Chine morte doit faire l'objet de notre attention. Comme il serait commode de garder le silence sur la Chine vivante et souffrante et de se ménager à ce prix la possibilité de revoir une fois encore cette terre tant aimée… »
Images brisées - 1976
Vidéo/Leys, l'homme qui a déshabillé Mao
Ce documentaire porte sur Simon Leys, qui s'inscrit dans la même filiation intellectuelle : celle des hommes qui regardent le monde tel qu'il est. Il a été le premier et le plus lucide dénonciateur des crimes maoïstes, qui ont provoqué la mort d'environ 100 millions de personnes. Son ouvrage « Les Habits Neufs du Président Mao » publié dès 1971 reste une référence sur ce sujet. Rendant hommage pour la première fois à ce sinologue d'une culture stupéfiante, ce « spectateur engagé » qui a regardé la réalité du maoïsme en face, ce film raconte aussi le prix que cet homme a payé pour son courage : une immense solitude.
Vidéo/Though I am Gone - Bien que je sois parti.
Dans ce documentaire, le cinéaste Hu Jie s'appuie sur des photographies prises par le mari de Bian, dont l'envie de documenter la mort de sa femme. Hu incorpore également des récits saisissants de témoins survivants et des images d'archives pour décrire la folie meurtrière de l'époque. Ce film est interdit de diffusion en Chine.
Documentaire Morning Sun
film documentaire sur la Révolution culturelle chinoise.
Safeguard Defenders
Human Rights Watch
Hou Bo, la photographe de Mao.
Pendant son incarcération, les photographies de Hou Bo seront utilisées dans le Petit Livre Rouge du président Mao zedong.
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